Affiches Parisiennes : Quel est votre cursus étudiant et professionnel ?
Grégoire Hanquier : Je suis juriste de formation. J'ai un double cursus : droit des affaires et fiscalité à aris 2 Panthéon-Assas et HEC avec un master dédié au droit, à l'ingénierie contractuelle et à la compta/finance. En sortant d'HEC, j'ai rejoint la direction juridique holding du groupe Total pendant 9 mois. Puis après un bref passage chez Cadbury Schweppes j'ai pu rejoindre Capgemini pendant cinq ans et demi.
À 30 ans, l'opportunité s'est présentée de prendre les rennes juridiques de la France au sein du groupe LexisNexis en qualité de responsable juridique. Puis il y a trois ans et demi, le groupe me confie la direction juridique Europe Afrique Moyen Orient comme adjoint dans un premier temps puis rapidement totalement en tant que Directeur Juridique CEMEA, poste très riche avec une équipe multiculturelle basée en Afrique du Sud, en Allemagne, en Autriche et en France.
Dix ans sont passés, le confinement est arrivé avec aussi son temps d'introspection sur les prochaines années d'une vie professionnelle dédiée au droit, et de nombreux échanges avec des chasseurs de têtes et mes pairs.
A.P. : Après toutes ces années passées dans des grands groupes, qu'est ce qui vous a poussé vers une legaltech ? Était-ce un rêve de longue date ou plutôt une opportunité récente liée à la crise ?
G.H. : Alors, je dirais un peu des deux. D'abord, entreprendre est dans mon ADN. Le monde associatif a été mon premier terrain de jeu avec la création et l'essor d'une école primaire indépendante où la levée de fonds a été une formidable expérience. Rejoindre une legaltech, c'est goûter aujourd'hui à l'entrepreneuriat juridique. L'univers juridique évoluant très fortement, il s'agit donc - -en fonction de ses envies - d'être là au bon moment.
Par ailleurs le confinement lié à la crise sanitaire a permis de retrouver ce temps si précieux sur soi-même et de prendre conscience que j'ai accompli de si belles choses en 10 ans et qu'il était temps de pouvoir évoluer et de goûter à la richesse d'autres entreprises françaises comme les legaltech. Enfin, la fin des voyages d'affaires pour raisons de coûts a eu un impact direct sur la gestion d'une équipe multiculturelle qui a toujours besoin de rencontre, d'écoute, de temps : quoiqu'on en dise le monde du travail ne doit pas se résumer à passer son temps de manière définitive sur Teams ou Zoom. Nous sommes des êtres de relations et les relations humaines sont essentielles pour moi.
A.P. : Comment avez-vous eu vent de l'opportunité chez Data Legal Drive ?
G.H. : Une superbe session de Kitesurf en Normandie avec Sylvain Staub à la sortie du confinement ! Un moment de liberté ! Sylvain était par ailleurs mon conseil chez LexisNexis sur la partie IT/Logiciels.
Nous avons partagé autour de ses projets de forte croissance de sa legaltech et de son souhait de la muscler avec des profils juridiques compliance. Son souhait : structurer le Corporate, accompagner les levées de fonds, gérer le contractuel, tout en étant très impliqué dans la conformité externe et interne, car la qualité exceptionnelle de notre plateforme est ce qui en fait quelle est leader sur le marché car pensée par des professionnels du droit pour des professionnels du droit et de la compliance. La plateforme s'actualise quotidiennement tant dans ses fonctionnalités que dans son contenu afin d'être toujours au plus proche des besoins de nos utilisateurs.
Sylvain cherchait aussi quelqu'un qui connaisse très bien l'écosystème juridique, pour accompagner la croissance et le dialogue avec les institutionnels tant de la French tech que du monde du droit.
Et puis, il faut l'avouer : Data Legal Drive est la seule start-up ayant un partenariat et un actionnariat avec le groupe Lefebvre - Sarrut, acteur incontournable du monde du droit. C'est un petit clin d'œil à mes anciens collègues de LexisNexis.
A.P. : Quels sont les différences et atouts majeurs selon vous à faire partie d'une legaltech ? Comment travaillez-vous désormais ?
G.H. : Chez Data Legal Drive, nous sommes une grande famille. Je quitte un bâtiment de 400 collaborateurs chez LexisNexis, pour une équipe de 30 personnes chez Data Legal Drive où la proximité, l'échange, la réactivité sont naturels. Mon quotidien, une hyperréactivité puisque l'équipe commercial est sur le bureau en face du mien, les techs sur la gauche et le marketing sur la droit.
Mon rôle de business partner se vit donc pleinement au quotidien en travaillant de manière transverse en faisant fructifier les talents : c'est très enrichissant. Fin de la logique « waterfall » de mes expériences passées. La direction juridique joue son rôle à fond au même niveau que les autres directions .
Je fais d'ailleurs partie du comité de direction de Data Legal Drive ce qui est un signe fort, car d'habitude les directeurs juridiques en sont souvent les parents pauvres. Être au cœur même de la définition de la stratégie de l'entreprise, des choix de financement pour grandir est très grisant !
Aujourd'hui, numéro 1 français, l'objectif est de bâtir le champion du RGPD et de la compliance européenne en matière de plateforme multi conformité et tenir la dragée haute à nos concurrents américains. Nous avons les talents, l'ambition, le produit et les clients : let's go !
Enfin notre activité nous amène à être au cœur des problématiques comme celle de la souveraineté sur la donnée. Data Legal Drive a donc un rôle important à jouer pour accompagner les entreprises. Les lignes bougent fortement sur ce sujet et de grands groupse du CAC 40, comme le premier assureur mondial, deviennent nos clients.
A.P. : Quels sont vos premiers sentiments après plusieurs semaines à ce nouveau poste ? Satisfaction, excitation, peur, étonnement ?
G.H. : C'est un mélange. Il y a un côté désarçonnant au début parce qu'on est en proximité avec toute une série d'acteurs qui agissent très vite. On est en réactivité très forte, ce qui suppose pour moi de m'adapter venant d'une structure très hiérarchisée. Ici nous testons rapidement et agilement des approches sans formaliser nos idées dans de jolis powerpoint… Ça marche, le ROI pour nos clients est perçu alors on continue. Il y a des freins, alors on s'améliore. L'objectif commun est de faire grandir Data Legal Drive le plus rapidement possible pour offrir le meilleur produit à nos utilisateurs et clients.
Mon rôle, est d'accompagner de manière très réactive ces actions. Mais tout va beaucoup plus vite. J'arrive avec la maturité de quelqu'un qui connaît bien son métier et qui est capable d'identifier très vite les « pain points ».
C'est une course de fond avec une équipe très motivée. La preuve en est qu'il y a zéro turn over chez nous. Ce que nous demande Sylvain est très simple, « soyez créatifs, accompagnez le business et nos clients et notre hypercroissance ».
Le revers de la médaille ? Quitter l'univers confortable de mon ancien bureau de 20 m² que j'avais auparavant chez Lexis et partager une même surface avec tous les collaborateurs. Ce qui importe aujourd'hui c'est le projet, l'épanouissement, le sens de la mission confiée, et la proximité avec l'équipe. Et puis qui n'a pas rêvé de troquer ses Weston pour des Stan Smith, tout en conservant son expertise !
A.P. : Data Legal Drive connaît-elle des difficultés dues à la crise sanitaire ?
G.H. : Pas du tout. La question de la data, et particulièrement de la donnée personnelle, est le sujet majeur des entreprises qui ont d'ailleurs saisi la période de confinement pour travailler à fond leur conformité. 2021 va être une année très intense car les entreprises ont enfin pris la pleine mesure de la nécessite d'avoir une hygiène de la data.
A.P. : Selon une étude récente, plus d'un tiers des juristes de la French Tech sont issues de cabinets d'avocats, et près de la moitié vient d'entreprise dont 27,7 % de grands groupes, comme vous. Pourquoi à votre avis ?
G.H. : Je pense que les legaltechs en croissance forte ont besoin d'avoir des compétences support avec une certaine maturité. Un junior va venir renforcer une équipe juridique déjà existante au sein de la start-up. Mais quand on a une petite équipe, il faut des savoirs-faire, une expertise et une capacité à réagir très vite face à des situations qui peuvent être critiques. Il me semble que les fondateurs de start-up cherchent une sorte d'assurance en recrutant des collaborateurs avec une certaine expérience, comme ceux qui viennent de grands groupes et qui ont connu des problématiques structurantes.
Je suis assez étonné du chiffre élevé d'avocats qui quittent le barreau pour une start-up. C'est une telle transformation de venir dans une start-up ou une legaltech que ça peut être très perturbant si l'on n'a pas connu une vie professionnelle en entreprise auparavant.
A.P. : Quelle est votre vision du métier de juriste d'entreprise aujourd'hui ?
G.H. : Aujourd'hui le juriste monte en grade et peut véritablement vivre son rôle de business partner dans les sociétés, les start-ups, dans l'économie numérique et plus particulièrement, en ce qui me concerne, dans une legaltech qui fait du droit et qui a besoin de sachants.
Le ou la juriste d'entreprise est un acteur de terrain, qui a une extrême proximité avec tous les acteurs de l'entreprise. Sa force : au contact de la réalité business pour donner les conseils les plus pertinents dans l'intérêt du développement de l'entreprise .
A.P. : Si vous étiez jeune diplômé aujourd'hui referiez-vous le même choix ou bien dirigeriez-vous directement vers une legaltech ?
G.H. : Oui et non, cela dépend de la maturité de la tech. L'essentiel est de venir avec un projet cohérent, une envie de terrain, de s'apprêter à vivre le droit de manière très concrète. Si c'était à refaire, je referais la même chose car mon parcours dans différents grands groupes a forgé mon expertise juridique. Multiplier les expériences en entreprise est gage de succès.