9h de décalage horaire, 16 700 kilomètres de distance : la Nouvelle-Calédonie, ce territoire particulier de notre République, est si loin et si proche à la fois. Présidente de la commission des Lois et rapporteure de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, je saisis l'opportunité de ce billet pour vous parler de ce territoire, de ses singularités et de son avenir.
Alors que se réunissent à Paris depuis le 25 mai l'essentiel des forces vives calédoniennes et que doit être organisé un troisième référendum pour décider du maintien, ou non, de la Nouvelle-Calédonie au sein de la République, c'est bien l'ensemble des Français qui sont concernés.
Notre histoire commune est faite d'ombre et de lumière. Elle débute en 1853 : cette année-là, la Nouvelle-Calédonie, où vivait un Peuple premier, le peuple kanak, est proclamée colonie française. De très nombreux anciens communards y seront déportés, à tout jamais. En même temps qu'arrivent les premiers déportés, un ingénieur découvre sur l'archipel des gisements de nickel. Bientôt les Français de métropole et les Européens affluent pour cultiver les terres et exploiter les mines. S'en suit un chemin long et douloureux vers l'émancipation, semé de tensions communautaires. Chemin qui débouche finalement sur le choix de la paix et de la réconciliation avec la signature en 1988 des accords de Matignon, qui mettent en place un statut transitoire de dix ans devant se solder par un référendum d'autodétermination, puis dix ans plus tard de l'accord de Nouméa, qui donne au territoire une large autonomie et prévoit jusqu'à trois votes successifs pour que les Calédoniens se prononcent sur leur avenir.
En novembre 2018 et en octobre 2020, à la question de savoir si la Nouvelle-Calédonie devait accéder à la "pleine souveraineté" marquant la séparation avec la France, le non l'emportait par deux fois. Nous sommes désormais à la croisée des chemins : avant octobre 2022, les populations calédoniennes seront à nouveau interrogées, conformément aux termes de l'Accord de Nouméa. Dans ce cadre, nous avons d'abord un devoir de confiance : c'est aux Calédoniens qu'il appartient de se prononcer. Nous avons pour cela un devoir de dialogue. Un dialogue de toute la société calédonienne, que nous encourageons : à l'initiative du Gouvernement, une consultation citoyenne, irriguée par près d'un millier de contributions, a permis d'aborder tous les sujets. Elle a montré combien la défense et la diffusion de la culture Kanak méritent d'être renforcées, combien la jeunesse, qui représente plus de la moitié du pays, aspire à un développement harmonieux sur le plan économique, social et environnemental. Ce dialogue est la condition de la paix, la condition de l'avenir, quel qu'il soit. Il se poursuit avec les multiples rencontres que nous tenons en ce moment à Paris, depuis le 25 mai et jusqu'au 3 juin, avec de nombreuses délégations de partis calédoniens. Nous avons enfin un devoir de vérité. Le corps électoral ne peut pas être convoqué une troisième fois pour répondre à une question aussi lourde sans éclairer tous les électeurs sur les implications de leur choix. L'Etat joue et jouera pleinement son rôle de médiateur pour éclairer chacun, accompagner la Nouvelle-Calédonie sur son chemin. Et quelle que soit la solution retenue, je souhaite que l'Etat continue de l'accompagner à l'avenir.
Si le choix appartient aux Calédoniens, je voudrais pour ma part leur dire que j'aimerais, sous une forme ou sous une autre, ou, plus précisément, sous la forme qu'ils choisiront, que nos chemins ne se séparent pas, ne se brisent pas. Je suis persuadée qu'avec les Calédoniens, grâce à leur histoire, à leur diversité, à leur éloignement aussi, notre pays incarne davantage son rêve d'universalité.