Affiches Parisiennes : Le cabinet Chatain & Associés s'agrandit, notamment avec l'arrivée de Camille Potier en qualité d'associée, et avec l'ouverture d'un bureau secondaire à Bordeaux…
Antoine Chatain : Absolument et j'ai presque envie de dire que c'est un vieux rêve d'ouvrir un cabinet secondaire en région. L'idée d'un cabinet secondaire à Bordeaux est venue de Thomas de Boysson, d'origine bordelaise, qui avait le souhait d'aller exercer dans sa ville natale et dans la mesure où on avait ce désir d'ouvrir un cabinet en région, on a pris cette décision en 2018. Celle-ci s'est confirmée lors de l'association de Thomas de Boysson en septembre 2019. Le confinement a un peu retardé le projet, qui s'est concrétisé au mois de décembre 2020 de manière effective.
A.-P. : Camille Potier, qu'est-ce qui vous a amené à rejoindre le cabinet ?
Camille Potier : Il y avait deux moteurs. Le premier, c'est l'envie de m'installer, d'être un peu plus maître de mon destin, de pouvoir avoir plus de souplesse et de liberté à l'égard des clients dont je peux m'occuper et de retrouver une nouvelle dynamique. Et puis, le deuxième moteur, c'est ma rencontre avec Antoine Chatain, mon binôme du Conseil de l'Ordre du Barreau de Paris. C'était une véritable opportunité de rejoindre le cabinet, à un moment où Antoine Chatain souhaitait redynamiser les compétences de droit pénal des affaires du cabinet. Je suis ravie de rejoindre l'équipe de Chatain & Associés, qui a toujours été présente en droit pénal des affaires, ce n'est pas une découverte pour le cabinet, mais un nouvel élan auquel je participe.
A.-P. : Vous êtes spécialiste du droit pénal mais aussi coordinatrice des délégués du bâtonnier pour les perquisitions. Quel est le rôle de ce délégué ?
C. P. : Son rôle est d'assurer la présence effective et pertinente des délégués pour toutes les perquisitions de domiciles et de cabinets d'avocats inscrits au barreau de Paris, puisque la loi prévoit, pour ces perquisitions, la présence du bâtonnier en garantie du respect du secret professionnel. Cela ne veut pas dire que rien n'est saisissable et que les cabinets d'avocats seraient un sanctuaire absolu. En revanche, il faut que les investigations soient faites par le magistrat lui-même et non pas par les enquêteurs, que la mesure de perquisition soit justifiée et qu'il ne soit pas porté atteinte au secret professionnel de l'avocat, à l'occasion de cette perquisition, par la saisie des pièces et documents qui ne seraient pas spécifiquement visés par les investigations ou qui concerneraient la défense pénale du client par exemple. Son rôle est donc de bien connaître le droit applicable à ces procédures de perquisition, d'avoir une sensibilité particulière sur le déroulement des investigations, sur les droits de la défense, sur la déontologie de l'avocat, et de pouvoir faire une balance entre tout cela pour savoir utilement s'opposer à des mesures de saisie de documents. Tout ceci donne ensuite lieu à un débat contradictoire devant le Juge des libertés et de la détention qui, seul, décidera de verser le document à la procédure ou de le restituer à l'avocat concerné. C'est une mission assez exigeante parce qu'elle est très chronophage, elle demande un investissement personnel des délégués et, en même temps, c'est un domaine passionnant et une mission fondamentale du respect du secret professionnel et des droits de la défense assurée par le bâtonnier et ses délégués.
A.-P. : Vous protégez donc les avocats ?
C. P. : Nous protégeons le secret professionnel que l'avocat doit à ses clients qui lui ont confié des documents et des informations, on protège la relation de confiance nécessaire dans toute société démocratique entre l'avocat et le client. Dans l'exercice de cette mission-là, le délégué du bâtonnier n'est pas l'avocat du confrère perquisitionné, il est le défenseur, le garant du secret professionnel de l'avocat concerné et de tous ses clients. Ce n'est pas forcément toujours très facile et c'est souvent une mission subtile mais c'est passionnant et surtout indispensable.
A.-P. : Aujourd'hui, on parle beaucoup du secret professionnel et de sa protection. Le garde des Sceaux souhaite d'ailleurs produire une loi pour en renforcer la protection. Comment percevez-vous ces sujets-là au sein de votre cabinet ?
A. C. : Nous sommes particulièrement attachés au secret professionnel et à la déontologie, dans tous les domaines d'exercice de notre profession, on y veille tout particulièrement parce que c'est quelque chose d'absolument essentiel. Ce secret, par exemple en matière commerciale, nous permet d'échanger entre confrères de manière confidentielle, protégée par le secret professionnel, et d'avoir des discussions, des négociations avancées, bien plus que n'importe quelle convention de confidentialité qui est signée. Il y a un vrai secret. Lorsqu'une partie a utilisé un élément qui est échangé entre avocats dans une procédure, il est immédiatement retiré, l'Ordre est saisi et les juges sont très respectueux de ce secret. Quand on en parle aux juges commerciaux, ils sont choqués. Au pénal, c'est un peu différent.
C. P. : On a effectivement ce régime-là et ce rapport-là avec les magistrats, au civil et au commercial, particulièrement respectueux du secret professionnel et c'est évidemment indispensable. Sur toute l'activité pénale, même au-delà, par exemple les visites domiciliaires en matière de concurrence, c'est beaucoup plus difficile. Une récente décision s'agissant de visites et saisies en matière de concurrence est venu dire que les correspondances et les mails entre le client et l'avocat sont saisissables parce que toute cette correspondance avocat/client ne serait pas couverte par le secret. Le secret ne concernerait donc que la défense, sous-entendue pénale, du client. C'est un régime totalement dérogatoire qui n'est pas celui entendu par le législateur au départ et qui aboutit à des pratiques contestables et diversifiées, selon le juge et la matière. La commission installée par le garde des Sceaux a vocation à réfléchir à toutes ces problématiques, les débats sont assez compliqués et l'orientation qui semble être donnée n'est pas forcément à l'avantage d'un secret professionnel étendu et strict. J'attends néanmoins de voir les conclusions qui seront rendues et l'orientation finale de ces travaux. Aujourd'hui, au-delà des débats, il y a une grande insécurité que je veux souligner. Il est compliqué d'expliquer à un jeune avocat ce qui est couvert par le secret professionnel et ce qui ne le serait pas ainsi que ses obligations déontologiques, alors que celles qu'on lui a enseignées sont les mêmes quelle que soit la matière, et qu'il est astreint au secret pour toutes les matières. Cette position-là est fragilisée par les décisions, contradictoires entre elles, qui sont rendues. On a donc un besoin de sécurisation de tous les acteurs de la chaîne judiciaire et, la Cour européenne des droits de l'Homme nous le rappelle régulièrement, besoin d'un secret professionnel efficient qui est nécessaire au fonctionnement démocratique d'un pays et d'une justice, d'un Etat de droit.
A.-P. : Antoine Chatain, en tant que spécialiste des opérations commerciales et des entreprises en difficulté, comment organisez-vous leur défense actuellement ? Comment se portent vos clientes face à la situation sanitaire actuelle ?
A. C. : Pour l'instant, les entreprises sont encore sous perfusion des aides du gouvernement, c'est très clair. D'ailleurs, les chiffres qui ont été donnés par les différents tribunaux de commerce, qui annoncent - 30 % ou -40 % de procédures collectives ne seront pas encore réalisées, ce qui devrait nous réjouir, mais nous inquiète en réalité. C'est reculer pour mieux sauter, quand la perfusion va s'arrêter, on craint une augmentation très nette et très sensible des dépôts de bilan. Nous, on garde une activité très soutenue, ce qui montre qu'en contentieux et en conseil, l'activité demeure importante, mais il y a des craintes, surtout sur le deuxième semestre, quant aux défaillances d'entreprises. La grande question qui va se poser, c'est l'effet de domino, ou pas, sur ces entreprises qui vont déposer le bilan. A terme, il peut donc y avoir un nombre important, voire des groupes importants qui peuvent être touchés. Il faut que tous les acteurs économiques, y compris les tribunaux de commerce, jouent leur rôle pour éviter cette cascade, comme tout le monde a su le faire dans les années de grave crise. Aujourd'hui, objectivement, les moyens dont on dispose sur le plan procédural et juridique sont multiples. On parle de boite à outils dans le cadre de procédures collectives, avec la conciliation, la médiation, les mandats ad hoc ou encore la sauvegarde. Il faut que les chefs d'entreprise sachent s'adresser à ces différents acteurs, dont les avocats font partie, pour pouvoir passer cette crise et réussir à passer cette épreuve. On constate que le droit des affaires a tendance maintenant à se pénaliser, et c'est là que le rôle de Camille Potier est important. Notre cabinet a dans son ADN le droit pénal. L'arrivée de Camille Potier va redynamiser ce pôle et va permettre de développer nos compétences et être assisté dans les nouveaux dossiers commerciaux, dans les conflits d'actionnaires et dans un certain nombre de dossiers qui ont une composante pénale.
A.-P. : Comment voyez-vous l'avenir du cabinet et son développement futur ?
A. P. : L'avenir, on le voit déjà avec notre bureau à Bordeaux qui va nous permettre d'atteindre des PME, des ETI, voire certains groupes d'assurance qui sont installés en région, notamment dans la région bordelaise. Cette ouverture à Bordeaux avec Thomas de Boysson accompagne notre développement en droit des assurances et risques industriels avec Dominique Ham. On va développer la partie pénale avec Camille Potier, beaucoup plus qu'auparavant, et également, avec Jean-Yves Demay qui gère la partie commerciale, le droit des sociétés, et Muriel Fayat qui gère le droit de l'urbanisme où il y a un important développement. On fera le bilan d'ici un an et pourquoi pas envisager d'autres ouvertures en région si on a des opportunités possibles, comme la région de Nantes, qui est particulièrement dynamique sur le plan économique, avec beaucoup de grandes entreprises.
C. P. : On a une grande motivation de développement, certes raisonnée, mais on est très motivé et tous ensemble, Antoine Chatain, moi et les autres associés du cabinet, on prend plaisir à travailler ensemble et cela est important pour notre équipe. Nous sommes très complémentaires dans nos activités, dans nos tempéraments, dans nos forces d'idées et compétences. On a très envie de porter cette entreprise et de pousser plus loin cette aventure. n