AccueilActualitéInterview«L'enjeu des quatre années qui viennent c'est moins de contraintes et plus d'opportunités pour tous»

«L'enjeu des quatre années qui viennent c'est moins de contraintes et plus d'opportunités pour tous»

Laurent Benoudiz, le président de l'Ordre des experts-comptables de la région Paris Île-de-France, est candidat à sa succession. Il fait le bilan de son action durant la mandature qui s'achève, en détaillant les services mis à la disposition des experts-comptables. A travers son programme, Laurent Benoudiz livre également sa vision de l'avenir et les combats à mener pour permettre à la profession de relever les grands défis qui se profilent.
«L'enjeu des quatre années qui viennent c'est moins de contraintes et plus d'opportunités pour tous»
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Affiches Parisiennes : Vous êtes le président de l'Ordre de la région Paris Ile-de-France, président sortant et candidat à votre succession. Pouvez-vous tout d'abord dresser un bilan de votre mandature qui va bientôt s'achever ?

Laurent Benoudiz : Depuis 2016, nous avons passé quatre années à développer davantage de services pour les experts-comptables dans des domaines très divers : le recrutement avec BBigger, le partage des missions et des compétences avec BBusi, la notation des outils numériques avec PON, le soutien aux start-ups innovantes avec INNEST, la dématérialisation des échanges entre l'Ordre et les experts-comptables avec EspacePro, et tous les outils gratuits et mutualisés sur CapPerformance. Nous avons également réformé au niveau régalien les procédures d'inscription au tableau, accéléré la résolution des litiges, amplifié la lutte contre les illégaux, et dernièrement, nous avons transformé le contrôle qualité. Nous avons réorienté ce contrôle vers un accompagnement des cabinets vers la performance, l'amélioration de la qualité des prestations rendues au client. Il y a eu une lente et longue dérive de ce contrôle puisqu'il était devenu exclusivement un contrôle du respect des normes et de la réglementation. On avait complètement mis de côté l'accompagnement vers la performance pourtant au cœur du contrôle qualité lors de sa mise en place en 1983. Nous avons donc réintégré cette partie via un audit des cabinets sur les différents axes qui permettent de mieux affronter la transition numérique et de s'adapter aux enjeux d'aujourd'hui. C'est une réforme essentielle à l'heure où tous les cabinets sont en pleine réflexion sur leur modèle économique : l'institution doit les aider et alléger les contraintes qui pèsent sur eux ! Dans le même temps, on a mené une politique de baisse des cotisations puisque la cotisation ordinale est passée de 748 euros à 648 euros (dont 647 € sont directement reversé au CSO, un seul euro restant à l'Ordre d'Ile-de-France…).

A.- P. : La transition numérique a-t-elle bien avancé aujourd'hui ?

L. B. : En matière de transition numérique, le sujet est l'adaptation de l'offre de service des cabinets. Notre économie est aujourd'hui construite sur la demande de nos clients, qui viennent nous voir car ils ont des obligations légales et ont besoin d'être accompagnés. C'est le grand bouleversement du numérique car ces obligations pourront être traitées par des solutions en ligne : récupération automatique des relevés bancaires, facture électronique avec déclaration de TVA préremplie par l'Etat, etc. On va donc se retrouver avec des clients qui n'auront plus nécessairement un besoin fort d'accompagnement régulier par un expert-comptable, ils pourront se satisfaire de solutions en ligne et de délégation des tâches pour beaucoup d'obligations légales. Il faut donc qu'on arrive à transformer les cabinets qui ont construit leur modèle sur cette demande vers une stratégie de l'offre. Les experts-comptables doivent être capables de proposer à leurs clients des missions et cela nécessite un gros travail en interne avec les collaborateurs pour les former à accompagner les clients, pour formaliser les missions et les simplifier, pour savoir quels sont les besoins de l'entreprise et vendre les missions qui y répondent. Tout ce travail est essentiel et n'a que peu de rapport avec des problématiques techniques de logiciels L'Ordre a une grande responsabilité dans ce changement à opérer. C'est pour cela qu'on a mis en place des formations, à la fois pour les experts-comptables à travers Performance Academy et e-expert ; et pour les collaborateurs avec les programmes e-coll. Grâce à la réforme du contrôle qualité, il est désormais possible d'expliquer cette nécessité de transformation aux experts-comptables et de les orienter vers les bonnes solutions.

A.- P. : Vous êtes candidat à votre succession, comment avez-vous constitué votre liste ?

L. B. : Au niveau de la liste, on a 36 candidats. La liste a été constituée avec des sortants pour bénéficier de leur expérience et des nouveaux pour redynamiser l'équipe et les idées. Avec Virginie Roitman qui conduit cette liste à mes côtés, nous avons veillé à représenter tous les territoires de notre région. Nous avons également voulu que notre équipe soit le reflet de la diversité de nos cabinets, en termes de taille, de mission ou de structure. Il y a une part importante de femmes, au-delà des obligations légales, puisque qu'il y a une femme sur deux et non sur trois dans les dix premiers noms de la liste.

A.- P. : Pouvez-vous nous parler de votre programme ?

L. B. : L'enjeu des quatre années qui viennent c'est d'avoir moins de contraintes pour les professionnels et de s'ouvrir à toutes les opportunités qui seront offertes par le numérique. Aujourd'hui, deux visions de la profession s'opposent. D'un côté, celle qui consiste à rajouter des formulaires, des contraintes et des charges sur la profession et à recruter des contrôleurs et des permanents pour vérifier l'application de ces contraintes, sans se demander s'il n'y a pas de solution plus efficace, plus intelligente. Certains représentants de la profession considèrent en effet que les experts-comptables doivent être contrôlés, surveillés, infantilisés. De l'autre côté, celle que l'on porte, qui estime que les experts-comptables sont plutôt bons techniquement, ont suivi des études, se forment tout au long de leur carrière, prêtent serment, responsables, libéraux, engagés pour leurs clients. Ils ont juste besoin que nous les laissions travailler en enlevant les boulets qu'ils ont aux pieds pour leur permettre d'être plus agiles. Nous pensons que l'action de l'institution doit être portée sur l'accompagnement au changement des confrères avec plus d'outils, plus de services, plus de formations adaptées et moins de contraintes et moins de contrôles.

A.- P. : Nous venons d'entrer dans une nouvelle période de confinement. Quelles mesures prenez-vous pour soutenir les confrères ?

L. B. : Notre équipe s'est déjà beaucoup investi pendant la première période de confinement puisqu'on avait mis en place des webinaires réguliers avec les principaux interlocuteurs, de la DGFIP ou de la Direccte etc. pour apporter des précisions, répondre à des questions. Nous avons également créé un site internet, AppelleUnExpert.fr qui recense tous les dispositifs.

Nous allons relancer tout cela bien évidemment, et on va remettre à jour le site AppeleUnExpert, et ré-ouvrir la plateforme Covid-19 pour que les confrères puissent poser leurs questions. Enfin, on a remis en place un calendrier avec de nouveaux webinaires où on interroge directement la DGFIP ou encore la Direccte sur les questions qui peuvent se poser en matière de financements, de fonds de solidarité etc.

La différence, par rapport à la première vague, c'est que les difficultés des entreprises se sont aggravées et qu'il n'y a pas de suspension des procédures collectives. On a donc mis en place une cellule d'expert réservé aux experts-comptables pour les aider concrètement à accompagner leurs clients qui sont en difficulté. Composé de juges au tribunal de commerce spécialisés en procédures collectives, d'avocats et d'administrateurs judiciaires, cette cellule va pouvoir, de manière confidentielle, échanger avec les experts comptables pour parler de leurs dossiers et les orienter vers les bonnes solutions et les bons interlocuteurs. Tous nos confrères n'ont pas d'expérience en la matière et sont parfois un peu perdus : ils auront là une équipe dédiée de spécialistes pour les aider à prévenir et sauver un maximum de clients !

A.- P. : Que souhaiteriez-vous dire à vos contradicteurs qui, jusqu'à présent, critiquent vos actions ?

L. B. : J'ai en effet eu la surprise de découvrir qu'on me reprochait d'avoir copié ce que faisait le Conseil supérieur ou d'avoir doublonné des services déjà existant. Je trouve cela assez stupéfiant alors que c'est précisément l'inverse ! Concernant la lutte contre l'exercice illégal, j'ai proposé que le site Internet déployé par Paris et utilisé par Lille, Lyon et Marseille soit nationalisé et opéré par le Conseil supérieur. Après accord sur les modalités financières, j'ai eu la surprise d'apprendre par mail, en les relançant, en mars 2018 que le CSO préférait faire sa propre plateforme en doublon ! Concernant la réforme du contrôle qualité, la commission qualité du Conseil supérieur, avec un an de retard, décide de se pencher sur le problème : j'ai proposé d'être auditionné pour leur expliquer ce que nous avons fait : refus de nous recevoir ! La réalité est qu'il n'y a aucun projet initié par Paris qui n'a pas été proposé au national ! Le dernier en date, le dispositif d'accompagnement des confrères en difficulté que nous avions bâti en 2018 avec un numéro vert pour prévenir et détecter les risques psycho-sociaux a été in extremis repris par le Conseil supérieur parce que je me suis insurgé lors d'un conseil en expliquant qu'il fallait arrêter de refaire ce qui existait ! Je voudrais bien savoir ce qu'a fait le Conseil supérieur et que j'aurais copié ! En vérité j'aurais aimé que le Conseil supérieur fasse son job en créant des formations innovantes, en refondant les formations de nos stagiaires qui sont affligeantes, en réformant le diplôme et la formation initiale, en défendant la profession lors de la Loi Pacte…

Enfin, investir dans une école comme l'a fait l'Ordre de Paris il y a quelques mois serait, selon certains visionnaires, une très mauvaise idée. Le Conseil régional (à l'unanimité, il faut le souligner !), a en effet engagé un partenariat privilégié avec ACE, le CFA des métiers du chiffre, dont nous avons intégré la gouvernance il y a 6 mois et que nous voulons transformer en école de la profession.

Si nous n'investissons pas aujourd'hui dans la formation initiale, dans l'attractivité de nos cabinets, alors nous pouvons faire une croix sur l'avenir de l'expertise comptable. Certains n'ont pas conscience de ce qui se passe en ce moment avec les principales écoles et notamment tous les accords d'exclusivité passés par les écoles privées et les grands cabinets internationaux. Aujourd'hui, ce qui crée la pénurie sur le marché des collaborateurs se sont ces accords financiers qui placent les étudiants directement dans de grands cabinets à travers des contrats d'alternance conclus avec les principales écoles de Paris. Il fallait rééquilibrer ce phénomène et créer l'école de référence en matière d'expertise comptable au profit de tous les cabinets et à l'image des grandes écoles d'ingénieurs, de commerce.

Cette ambition que l'on a sera bénéfique, à la fois à l'institution et à la profession mais également bénéfique pour l'ensemble de toutes les écoles dont le principal problème est l'attractivité de la filière et ils sont aujourd'hui bien seul à la promouvoir. Imaginez qu'on se coupe des autres écoles avec cette opération, c'est n'avoir rien compris aux problèmes de la formation initiale et des difficultés que les écoles rencontrent pour faire venir des étudiants dans notre filière.

A.- P. : Vous avez toujours dit que les experts-comptables devaient diversifier leur travail et leur cabinet. Ont-ils bien avancé dans cette voie ?

L. B. : Je ne pense pas que l'avenir de l'expert-comptable passe par l'apprentissage d'un nouveau métier. Chacun individuellement doit pouvoir décider de se spécialiser dans un domaine mais ce n'est pas un modèle qui va se généraliser. La spécialisation est une question de stratégie de cabinet mais la plupart d'entre nous resterons généraliste. Pour moi, l'enjeu numéro un c'est faire en sorte que nos collaborateurs et les experts-comptables passent d'une activité de production à une activité d'accompagnement. Il faut qu'on arrive à automatiser cet aspect de production, qu'on gagne du temps pour se concentrer sur ce pourquoi on est là, accompagner nos clients dans la gestion de leur entreprise. Ce n'est pas hors de portée pour la plupart d'entre nous, c'est notre métier quotidien mais ce n'est pas formalisé. Cela nécessite par contre un gros effort de management du cabinet et de formation des collaborateurs.

A.- P. : Auriez-vous quelque chose à dire à vos confrères pour les encourager à voter pour votre liste ?

L. B. : Certains confrères n'arrivent pas à faire la distinction entre les deux syndicats candidats aux élections et ne votent pas, ce qui explique un taux de participation de 60% seulement. Je relève que tous les grands cabinets internationaux votent massivement pour nos compétiteurs. Aux dernières élections en 2016, après avoir inscrit 150 collaborateurs salariés pour peser sur le résultat des élections, le taux de participation des bigs était de 98,5 % ! Si les libéraux ne comprennent pas la différence avec ECF, ils n'ont qu'à demander aux grands cabinets qui semblent l'avoir bien compris !

Nous n'avons pas les mêmes problèmes, les mêmes besoins, les mêmes clients, la même organisation que les grands cabinets : comment pourrions-nous avoir la même politique ordinale ? Qui comprendrait qu'un commerçant de centre-ville délègue sa défense et sa représentation à Auchan ou Carrefour ? Nous voulons une politique orientée vers l'accompagnement des indépendants et des libéraux et non au service des grands cabinets comme on a pu le voir avec la Loi Pacte. Nombreux l'on comprit car lorsque les libéraux votent, plus des deux tiers d'entre eux votent ECF ce qui a permis jusque-là de remporter les élections en Ile-de-France malgré le vote acquis de près de 800 associés des bigs chez nos compétiteurs. Notre plus gros risque est l'abstention et la profusion des listes, des trop nombreux messages politiques et la période particulière de confinement sont des risques réels de démotivation.

Il est indispensable que les libéraux, les indépendants, au moins une fois tous les quatre ans, fassent l'efforts de participer au vote parce que c'est le seul moyen d'être certain d'avoir une représentation au niveau régional et national qui va défendre leurs intérêts.

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